La Publicité Scientifique: avril 2006



lundi 17 avril 2006

Chapitre 12 - La Stratégie

La stratégie

La publicité ressemble à la guerre, sans peut-être en avoir le venin. Ou, si vous préférez, à une partie d’échecs. Nous partons à l’attaque pour enlever les bastions détenus par d’autres, occuper leur terrain sur le marché ou engranger leurs récoltes.

La compétence et la connaissance constituent nos armes dont la panoplie est complétée par une solide formation sur le terrain, une grande expérience et l’équipement adéquat. Nous avons également besoin de munitions en nombre suffisant et du calibre qui convient. Nous ne devons jamais sous-estimer nos adversaires. Notre service de renseignements nous est vital, comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent. Nous devons nous faire des alliés chez les commerçants, comme nous le verrons plus loin. Il nous faut décider de la stratégie la plus pertinente pour multiplier la valeur de nos forces.

Dans une nouvelle campagne se pose parfois la question du choix d’une appellation. Ce qui peut s’avérer de toute première importance. Un nom judicieusement choisi peut constituer une annonce à lui seul. Il a le pouvoir de raconter toute une histoire comme la Crème de blé, le Riz soufflé, le chewing-gum Spearmint, le savon Palmolive, etc.

Cela peut conférer un avantage écrasant. Un nom s’affiche avec éclat. Bien des appellations ont fait le succès d’un article, tandis que d’autres ont constitué un obstacle, ce fut le cas des Corn Flakes Toastés, par exemple, car trop de concurrents ont pu se partager la récolte de ce que l’auteur avait semé.

Des noms, inventés de toutes pièces et qui ne signifient absolument rien ont connu un succès prodigieux. Nous songeons à Kodak, Karo, Mazda et bien d’autres. Ils sont absolument exclusifs, ils ne revêtent que la signification que l’annonceur leur a donnée et ils ne risquent pas d’avoir à partager l’effet produit avec d’autres. Cependant, un nom dont le sens reprend un atout majeur constitue l’idéal. Des noms pareils valent des millions de dollars. C’est pourquoi le choix d’un nom donne lieu à de nombreuses études préalables.

Il faut aussi parfois fixer un prix. Un prix trop élevé peut susciter une résistance. Il tend à limiter le terrain potentiel. Le coût du surcroît de bénéfice recherché peut dépasser ce même bénéfice.

Tout le monde sait bien que les plus grands bénéfices se réalisent sur un important volume de vente à faible marge. Les soupes Campbell, le savon Palmolive, le sirop Karo et les voitures Ford en sont autant d’exemples. Un prix qui, admettons, ne satisfait que 10070 des gens, multiplie le coût de vente.

En revanche, sur certains produits, le prix ne joue pas. Une grande marge bénéficiaire est essentielle, car il y aura très peu de ventes par client. Et personne ne se soucie du prix qu’il paie pour un produit pour traiter le maïs, compte tenu du fait qu’il en utilise très peu. Le fabricant est contraint de dégager une marge importante sur une aussi faible distribution.

Il y a des articles pour lesquels un prix élevé constitue un attrait supplémentaire. Ce sont des domaines où l’on juge un produit à son prix. Quand on en trouve un qui coûte plus cher que les autres, on en déduit qu’il doit leur être supérieur. C’est pourquoi la détermination d’un prix est un facteur important dans une stratégie.

Il convient maintenant de considérer la concurrence. Quelles sont les forces en présence ? Que va devoir affronter notre appel en termes de prix, de qualité ou d’arguments ? Que possédez-vous qui puisse vous permettre d’enlever le marché ? De quoi disposez-vous qui va vous donner la possibilité de conserver le terrain conquis ?

Quelle est la solidité de la défense des rivaux ? Il existe des terrains qui sont pratiquement impénétrables. Ce sont les produits qui ont su créer de nouvelles habitudes et qui y sont associés dans l’esprit de leurs clients. Ils dominent le terrain à un tel point que toute tentative d’invasion est vouée à l’échec. Ils ont le volume de vente, donc les bénéfices qui leur permettent de soutenir le plus formidable des sièges ou la plus dévastatrice des batailles.

Ces terrains se font constamment infiltrer, mais uniquement à partir d’un avantage marquant ou d’une publicité de loin supérieure.

D’autres domaines ne sont pas plus faciles. Prenez une nouvelle mousse à raser, par exemple. Presque tous les clients potentiels utilisent déjà une marque rivale et ils en sont satisfaits. Beaucoup y sont attachés. Il vous faudra présenter un attrait assez puissant pour détourner ces gens de leur préférence de longue date.

Et ces choses-là ne se font pas au hasard. Elles ne se décident pas en considérant les gens en masse, ni en jouant aux devinettes sur les raisons de leur préférence actuelle. Il convient au contraire de songer à l’individu, de prendre en considération le consommateur type qui utilise une marque rivale. Aborder quelqu’un dans un Pullman, par exemple, alors qu’il s’apprête à utiliser sa mousse habituelle. Que lui diriez-vous pour qu’il l’abandonne et opte pour la vôtre ? On ne peut pas se lancer à la poursuite de la multitude tant que l’on n’a pas appris la façon de conquérir un individu.

Un fabricant va vous dire qu’il ne détient aucune supériorité. Son produit est bon, mais ni plus ni moins que celui des autres. Il a le droit de prétendre à sa part du marché mais il n’a rien de plus que les autres à offrir. Et pourtant, il y a presque toujours un atout dont les autres ne se sont pas servis, une caractéristique qui n’a jamais été mise en valeur. Il faut le découvrir. Il faut se doter d’un avantage évident. Les gens ne renoncent pas à leurs habitudes sans raison.

Il existe aussi le problème des produits de substitution et les moyens d’y faire face. C’est une grande source de détournement de la clientèle. Il faut y songer dès l’élaboration de la stratégie de départ.Il faut prévoir toutes les éventualités et avoir la sagesse d’ériger des systèmes de défense préventifs.

Bien des pionniers suscitent une très forte demande pour leur produit. Et puis, par négligence dans les préparatifs, ils vont perdre une part importante de la moisson. Ils se retrouvent avec une marque parmi tant d’autres, là où ils auraient pu s’assurer l’exclusivité.

Prenons l’exemple de la vaseline. C’est un produit qui a su créer sa demande et l’a presque monopolisée grâce à une sage préparation. Si on lui avait donné un nom quelconque de marque de gelée dérivée du pétrole, la différence se serait chiffrée en millions de pertes.

Jell-O, Postum, Victrolla, Kodak, etc, ont fait de noms créés de toutes pièces des synonymes de produits. Certains de ces noms ont même été admis dans le dictionnaire, ils ont accédé au rang de noms communs. La Royal Baking Powder et les Toasted Corn Flakes, par contre, bien que pionniers dans leur domaine, ont prêté le flanc à une perpétuelle substitution.

Il convient aussi de considérer l’attitude des commerçants. Il existe, en effet une tendance croissante à limiter le nombre de produits, à éviter les articles qui font double emploi, à diminuer les stocks. Au cas où vous devriez passer par la distribution, comment les grossistes vont-ils accueillir votre article ? Si vous rencontrez une opposition, comment allez-vous la contourner ?

Les problèmes posés par la distribution ne sont pas une mince affaire. Lancer un produit que l’on va trouver dans trop peu de commerces est un gaspillage de munitions. Ces problèmes font l’objet d’un prochain chapitre.

Voilà le genre de problèmes qu’un publicitaire doit résoudre. Autant de raisons pour lesquelles une grande expérience professionnelle est indispensable. Une seule omission peut coûter cent millions au client à l’arrivée. Un rouage défaillant dans la stratégie peut empêcher le succès. Une même chose faite d’une certaine façon peut se révéler deux fois plus facile, deux fois moins chère que si elle était conduite d’une autre manière.

Sans ce travail préparatoire, la publicité est une cascade qui coule inutilement. Une formidable puissance existe mais elle n’est pas utilisée. C’est à nous de canaliser cette force et de la mettre à profit.

La publicité paraît souvent très simple. Des milliers de gens prétendent qu’ils peuvent en faire, et un état d’esprit très répandu leur donne l’impression qu’ils le peuvent effectivement. En conséquence, on voit beaucoup de publicités qui se font à vue de nez, un peu par instinct. Seuls les vrais initiés savent qu’elle comporte autant de problèmes que l’on en rencontre quand on se lance dans la construction d’un gratte-ciel. Et un bon nombre se situe au niveau des fondations.

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