La Publicité Scientifique: mai 2006



dimanche 28 mai 2006

Chapitre 11 - S’informer

S’informer

Pour avoir une chance de succès, un auteur de publicité doit connaître son sujet à fond. La bibliothèque d’une agence de publicité doit comporter des ouvrages spécialisés sur tous les produits dont elle assure la promotion. Un bon publicitaire doit se donner la peine de passer parfois des semaines à se documenter sur son produit.

Dans chaque ouvrage, il ne découvrira peut-être qu’un ou deux détails exploitables, mais c’est l’un de ceux-là qui peut être porteur et constituer la clef du succès.

L’auteur de ce livre vient de consulter une très importante littérature, médicale entre autre, sur le café. Uniquement pour lancer une marque de café sans caféine. Et c’est dans un article scientifique, parmi les milliers consultés, qu’il a découvert le thème de sa campagne, à savoir que la caféine ne produit ses effets stimulants que deux heures après l’absorption. Il s’ensuit que la réaction tonifiante instantanée que les gens trouvent dans le café n’a rien à voir avec la caféine. Oter la caféine n’altère pas le stimulus immédiat. Pas plus que ça ne modifie le plaisir gustatif car la caféine est sans odeur et sans saveur.

Le café décaféiné était sur le marché depuis des années, les gens le considéraient un peu comme la bière sans alcool. Ce n’est que grâce à des semaines de recherche que nous avons pu le présenter sous un jour complètement différent.

Pour la publicité d’une pâte dentifrice, l’auteur de ce livre a dû également lire une quantité d’ouvrages scientifiques qui rivalisaient en aridité. Mais c’est au beau milieu de l’un de ces volumes qu’il a découvert une particularité qui allait permettre au fabricant de gagner des millions. C’est ce petit détail qui en a fait l’une des campagnes de publicité les plus sensationnelles qui soient.

Le génie naît de l’art de se donner de la peine. Un publicitaire qui économise sur l’éclairage nocturne de son bureau n’ira jamais bien loin.

Une campagne sur un produit alimentaire fut précédée d’une enquête menée par 130 personnes qui interviewèrent toutes les catégories de consommateurs pendant des semaines entières.

Pour une autre action, on a envoyé pas moins de 12 000 lettres à des médecins. Ce genre de questionnaire est fréquemment envoyé à des dizaines de milliers de gens; il permet, au dépouillement, de recueillir le point de vue du consommateur.

Un publicitaire qui gagnait 25000 dollars par an passa des semaines à se rendre en personne, de ferme en ferme, avant de lancer une publicité sur des équipements à acétylène. Un autre fit de même pour un tracteur.

On a demandé à un millier d’hommes de dire ce qu’ils attendaient le plus d’un savon à barbe, avant de faire campagne pour une mousse à raser.

Pour une publicité de haricots au porc, une enquête fut menée auprès de milliers de foyers. Jusque-là, les annonces sur le produit se bornaient à clamer «Achetez ma marque». L’enquête révéla que seulement 4% des gens consommaient des conserves de haricots au porc tandis que les 96% restants faisaient cuire leurs haricots chez eux.

Il ne s’agissait donc pas de placer une marque plutôt qu’une autre. Cela n’aurait porté que sur 4% des gens. Il fallait au contraire gagner ceux qui cuisaient les haricots chez eux. Cette campagne, qui aurait connu l’échec si elle avait ignoré la situation, fut couronnée d’un grand succès.

Les enquêtes ne portent pas que sur les foyers, elles incluent les commerçants pour jauger la concurrence.

On écrit à tous les annonceurs de produits semblables, pour recevoir leur documentation et étudier leurs arguments. Ce qui nous permet de démarrer notre campagne à partir d’une connaissance précise de ce qui se fait déjà...

Nous avons un service de presse, qui fait parvenir les coupures de tout ce qui se publie sur le sujet à l’auteur qui y travaille. De même qu’il reçoit toutes les informations utiles des consommateurs comme des commerçants.

Il est souvent utile de connaître le montant total des dépenses consacrées à un produit. Il nous faut savoir combien le consommateur est disposé à dépenser par an, sinon nous ne pourrions pas calculer si l’investissement envisagé en vaut la peine.

Il nous faut connaître la consommation totale pour ne pas risquer une dépense excessive.

Il nous faut découvrir le pourcentage de lecteurs susceptibles de s’intéresser à notre produit. C’est une donnée qui va subir des variations en fonction des catégories Sociales et des populations urbaines ou rurales. La décision de financer une large diffusion va dépendre de ce pourcentage.

C’est pourquoi une campagne de publicité est toujours précédée d’une importante collecte de données. Y compris une campagne d’essai expérimentale, car les expériences efficaces coûtent beaucoup de temps de travail.

On doit souvent faire appel à des chimistes pour valider la teneur d’un argument contesté. En toute bonne foi, un annonceur fait une déclaration sensationnelle. Si ce qu’il a dit est vrai, ça va constituer un facteur de publicité de première force. Dans le cas contraire, il en subira le retour de manivelle qui peut aller jusqu’à se voir interdire l’accès aux meilleurs media. Il est extraordinaire de constater le nombre de fabricants qui se sont vus accuser de publicité mensongère à cause d’un argument qu’ils utilisaient depuis des années.

Ces slogans impressionnants gagnent en force quand ils sont étayés de faits précis. Pour obtenir ces données précises, on a recours à bien des expériences en laboratoire. Une boisson, par exemple, est réputée pour sa haute valeur nutritive. Cette affirmation n’a, en soi, rien de bien convaincant. Aussi l’avons-nous fait analyser en laboratoire pour découvrir qu’elle contenait 850 calories au litre, soit autant de valeur nutritive qu’une douzaine d’oeufs. Ces détails firent sensation.

Pour chaque produit impliquant des spécificités scientifiques, un censeur est nommé. Quelle que soit la qualité de ses informations, un auteur de publicité peut extrapoler des déductions erronées sur son produit. C’est pourquoi un spécialiste est chargé de contrôler tous ses textes.

La masse de travail qu’implique la conception de la moindre annonce donnerait le vertige au profane. Cela peut signifier des semaines entières de labeur acharné. A l’arrivée, l’annonce est formulée dans une grande simplicité, car elle s’adresse à des gens simples. Mais en coulisses s’amoncellent des piles de données, des volumes d’informations et des mois de recherche.

Eh oui, c’est un domaine où le paresseux n’a pas sa place.

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